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La duchesse au cœur brisé

Du 12 novembre au 7 décembre, le Trident présente La duchesse de Langeais, une pièce de Michel Tremblay datant de 1968. Anne-Marie Olivier, directrice artistique et codirectrice générale du théâtre, nous dit en quoi elle est toujours pertinente et pourquoi il faut aller la voir.

 

Qu’est-ce qui vous plaît particulièrement dans ce texte de Michel Tremblay et en quoi est-il toujours d’actualité?

Il me fait rire, il me choque et il me crève le cœur. Il parle de la difficulté de vieillir seul, du besoin de lumière, et tout simplement on a devant nous un gars au cœur brisé. Je l’avais lu il y a des années, mais ma lecture était superficielle, je l’avais trouvé cru et anecdotique – peut-être n’avais-je pas assez vécu, je ne sais pas trop. En le relisant, j’ai été touchée, j’ai pensé à des gens qui me sont chers et qui sont coincés dans un cycle de dépendance, ainsi qu’à des gens qui ont été fuckés par des adultes pendant leur petite enfance. Je l’ai lu avec un autre regard. Puis, j’ai pensé à Jacques Leblanc. Pour moi, il n’y avait que lui qui pouvait jouer ça, ici.

 

La pièce, qui a plus de 50 ans, met en scène Édouard, un travesti vieillissant qui raconte son histoire, entre faits réels et fantasmes. Avec les préoccupations actuelles pour l’affirmation et le respect des identités de genre, y avait-il des adaptations à apporter, des précautions à prendre pour ne pas heurter les sensibilités?

C’est une question qui a été abondamment discutée en salle de répétition. L’équipe a statué que la vie aurait été plus facile pour Édouard aujourd’hui, et que c’est une question qu’il faut aborder avec une grande ouverture puisqu’elle est complexe et multiforme.

L’œuvre nous transporte dans un monde intéressant : l’époque des cabarets, des hommes qui tiennent salon, qui jouent de la musique classique ou qui récitent des textes d’Alexandre Dumas. C’est pas banal! Une faune cruelle où on n’est jamais à l’abri de la trahison. Édouard décrit tout ça avec tellement de précision et de sensibilité… Je pense qu’en apprendre davantage sur cet univers est essentiel, et que c’est bon d’avoir un regard de femme sur ce milieu d’hommes [celui de Marie-Hélène Gendreau, la metteuse en scène].

 

En plus de Jacques Leblanc, il y aura des musiciens (Keith Kouna et Vincent Gagnon) et un danseur (Fabien Piché) sur scène. Comment s’intégreront-ils?

La duchesse s’est organisé un party pour ses 70 ans, elle est en peine d’amour et il est possible qu’elle se soûle à mort tellement elle est inconsolable. Les musiciens et le danseur sont vraiment intégrés au récit qu’elle fait de sa vie. Leur présence apporte un côté rock et ajoute à la profondeur du propos. J’ai si hâte que le public découvre la proposition de nos artistes!

 

Le Trident, du 12 novembre au 7 décembre 2019

La duchesse de Langeais

De Michel Tremblay 

Photo ©: Stéphane Bourgeois